La guerre du maquis au Cameroun
La guerre du maquis au Cameroun, également appelée la guerre d'indépendance ou la guerre oubliée, est un conflit complexe qui s'est déroulé entre 1955 et 1971, opposant principalement l'Union des Populations du Cameroun (UPC), mouvement nationaliste, aux forces coloniales françaises et, plus tard, au gouvernement post-indépendance d'Ahmadou Ahidjo. Ce conflit a marqué profondément l'histoire politique, sociale et culturelle du Cameroun.
1. Contexte historique
La colonisation allemande (1884-1916)
Le Cameroun devient un protectorat allemand en 1884. Les Allemands construisent une infrastructure économique importante, mais imposent une administration brutale.
Mandats et tutelles franco-britanniques (1919-1960)
Après la défaite allemande lors de la Première Guerre mondiale, le Cameroun est placé sous mandat de la Société des Nations, puis sous tutelle des Nations Unies après la Seconde Guerre mondiale :
- 80 % du territoire sous administration française (Cameroun oriental).
- 20 % sous administration britannique (Cameroun occidental).
Naissance du nationalisme
L'UPC, créée en 1948 par Ruben Um Nyobé, Félix-Roland Moumié et d'autres leaders nationalistes, milite pour :
- L'indépendance immédiate.
- La réunification des deux Camerouns.
- Une réforme agraire et une justice sociale.
L'UPC est soutenue par des mouvements progressistes en Afrique et dans le monde, comme les pays socialistes et la Chine.
L'interdiction de l'UPC (1955)
Les manifestations organisées par l'UPC contre les discriminations coloniales sont brutalement réprimées. En 1955, les autorités françaises interdisent l'UPC, poussant ses membres à entrer dans la clandestinité et à opter pour la lutte armée.
2. Déroulement de la guerre
Phase 1 : La révolte contre le pouvoir colonial (1955-1960)
- 1955 : L'interdiction de l'UPC provoque des insurrections à Douala, Yaoundé et dans les régions bassas et bamilékés.
- 1956-1958 : L'armée française mène des campagnes militaires dans les zones insurgées :
- Les maquisards, regroupés dans les forêts et montagnes, mènent des attaques contre les symboles de l'administration coloniale.
- Les villages soupçonnés de soutenir l'UPC sont incendiés, et les populations subissent des représailles (arrestations, exécutions sommaires).
Phase 2 : Après l'indépendance, la continuité du conflit (1960-1971)
- 1960 : L'indépendance du Cameroun oriental.
- Le pays est dirigé par Ahmadou Ahidjo, soutenu par la France. L'UPC, considérée comme une menace, continue la lutte armée.
- Les zones des maquis sont désormais les montagnes du Sanaga-Maritime (bassa) et des terres bamilékés (Ouest).
- Répression du régime Ahidjo :
- Avec l'aide des conseillers militaires français, Ahidjo organise une répression féroce.
- Des milliers de personnes sont arrêtées, torturées ou tuées. L'armée utilise des bombardements aériens dans les zones rurales.
Moment clé : L'élimination des leaders
- Ruben Um Nyobé est assassiné en 1958 par les forces françaises dans la forêt du Littoral.
- Félix-Roland Moumié est empoisonné à Genève en 1960 par les services secrets français.
- Ernest Ouandié, dernier leader historique de l'UPC, est capturé en 1970 et exécuté publiquement à Bafoussam en 1971.
3. Les zones clés de la guerre du maquis
Sanaga-Maritime : Foyer bassa
- Cette région est le point de départ de la lutte armée, en raison de l'influence de Ruben Um Nyobé.
- Les maquisards utilisent les forêts pour échapper aux patrouilles militaires.
Région bamiléké : Épicentre de la guerre
- Les montagnes et collines offrent un terrain favorable pour les résistants.
- Les campagnes militaires y sont les plus meurtrières : villages brûlés, populations déplacées, bombardements intensifs.
4. Conséquences de la guerre du maquis
Pertes humaines
- Les estimations varient, mais on parle de 20 000 à 100 000 morts, la majorité étant des civils.
- Des villages entiers sont détruits dans les zones bassa et bamiléké.
Répression sociale et politique
- Toute opposition au régime d'Ahidjo est assimilée à l'UPC et réprimée.
- Les survivants du conflit sont marginalisés et leurs familles stigmatisées.
Effacement mémoriel
- Pendant des décennies, la guerre est censurée dans les manuels scolaires et la mémoire nationale.
- Les héros de l'UPC comme Ruben Um Nyobé, Félix Moumié et Ernest Ouandié ne sont reconnus qu'à partir des années 1990.
5. Réhabilitation et reconnaissance
- 1991 : Ruben Um Nyobé est reconnu comme héros national.
- Commémorations : Des efforts sont faits pour honorer les martyrs, bien que l'ampleur du conflit reste sous-évaluée.
- Débat actuel : Certains Camerounais appellent à une réhabilitation complète de l'UPC et à une reconnaissance officielle des exactions commises par la France et le régime Ahidjo.
6. Pourquoi cette guerre est-elle importante ?
- Pour l'histoire africaine : Elle illustre les limites de certaines indépendances, où des régimes postcoloniaux continuent de servir les intérêts des anciennes puissances.
- Pour le Cameroun : Elle montre la complexité de l'unité nationale, avec des tensions encore vives entre les régions anglophones et francophones.
- Pour la mémoire mondiale : Elle révèle un conflit colonial peu documenté, bien qu'il ait impliqué des moyens militaires massifs et laissé un impact profond sur la société camerounaise.
Cette guerre reste un sujet de recherche et de débats, crucial pour comprendre les luttes de libération en Afrique et leurs impacts durables. Si vous souhaitez approfondir certains aspects (leaders, stratégies, zones), je peux détailler davantage !
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